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La Côte d’Ivoire s’apprête à retrouver son tambour parleur sacré : une restitution historique

Le 7 juillet 2025 marque un tournant majeur dans la reconnaissance du patrimoine africain spolié durant la colonisation. La France a officiellement engagé le processus de restitution du tambour parleur Djidji Ayôkwé à la Côte d’Ivoire, un objet sacré du peuple Atchan (communément appelés Ebrié), confisqué au début du XXe siècle par l’administration coloniale.

Un tambour qui parlait à tout un peuple

Le Djidji Ayôkwé, dont le nom signifie littéralement « tambour du message », n’était pas un instrument de musique ordinaire. Utilisé comme moyen de communication traditionnel, ce tambour à fente sculpté dans un tronc massif transmettait des messages à longue distance grâce à des frappes codées. Il était réservé à la chefferie Atchan, dans le village d’Anono, à Abidjan.

Symbole d’autorité, de sagesse et de pouvoir, il avait la capacité de réunir tout un peuple, d’annoncer des décisions, des naissances, des décès ou des alertes. L’enlever, c’était priver une communauté d’un lien essentiel entre son passé, son présent et son identité.

Confisqué, exposé, puis endormi dans un musée français

Confisqué en 1916 sous prétexte d’une mesure administrative coloniale, le tambour a été envoyé en France, où il a été conservé pendant des décennies au musée du quai Branly – Jacques Chirac à Paris.

Pendant plus d’un siècle, cet objet a été exposé comme une œuvre ethnographique, sans véritable reconnaissance de son statut sacré ou de la douleur liée à sa perte.

Une restitution qui dépasse le symbole

Aujourd’hui, dans le cadre d’une politique de restitution d’œuvres africaines spoliées portée par le gouvernement français, un projet de loi spécifique permet le retour officiel du tambour Djidji Ayôkwé en terre ivoirienne. Ce geste, salué par les autorités culturelles et traditionnelles ivoiriennes, s’inscrit dans une dynamique plus large de réparation et de réappropriation du patrimoine africain.

Pour les communautés Atchan, cette restitution représente bien plus qu’un simple retour d’objet : c’est la renaissance d’un lien spirituel, la réaffirmation d’une histoire trop longtemps effacée, et un acte de justice mémorielle.

Les réactions

  • Françoise Remarck, ministre ivoirienne de la Culture, a salué une « victoire du dialogue culturel et du respect mutuel ».

  • Du côté des chefs traditionnels d’Anono, l’émotion est vive. Des préparatifs sont déjà en cours pour organiser une grande cérémonie traditionnelle d’accueil du tambour dans son village d’origine.

Et ensuite ?

Le retour du Djidji Ayôkwé relance la question de la restitution d’autres objets africains présents dans les musées européens. En Côte d’Ivoire, ce retour va s’accompagner d’initiatives de valorisation patrimoniale, d’exposition et de transmission pour les jeunes générations.

Ce tambour ne reprendra peut-être pas son rôle sonore traditionnel, mais il redeviendra ce qu’il n’aurait jamais dû cesser d’être : un repère de mémoire, de pouvoir ancestral et d’identité culturelle.

La restitution du tambour parleur de la Côte d’Ivoire est une victoire pour le patrimoine africain, pour la dignité culturelle, et pour la mémoire collective. C’est aussi un rappel fort que la culture n’est pas un souvenir figé dans les vitrines, mais une force vivante, qu’il est temps de rendre à ceux à qui elle appartient.

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Écrit par Naomi Lekadou

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